L’enherbement : une solution durable
La suppression des herbicides passe par la mise en place de couverts végétaux entre les rangs et sous le rang. La Chambre d’Agriculture de la Gironde coordonne des expérimentations afin d’optimiser la gestion des couverts végétaux tout en maîtrisant la concurrence induite en fonction des contextes pédoclimatiques et des objectifs de production. Ces expérimentations cherchent à maximiser les services éco-systémiques associés aux couverts (protection des sols, entretien de la fertilité, stockage de carbone, préservation de la biodiversité).
La gestion des couverts végétaux semés en inter-rangs, ou engrais verts, occupe une place centrale dans nos travaux, compte-tenu des très nombreux services écosystémiques associés et des risques limités de concurrence (période de repos végétatif de la vigne). Les projets visent à guider les viticulteurs pour adapter les espèces, les matériels et les itinéraires techniques à leurs problématiques agronomiques et à leurs systèmes de production, tout en raisonnant les périodes d’intervention en fonction des conditions climatiques.

Quels résultats sur le long terme ?
Financé par le CIVB, le projet VERTIGO (2017-2026) acquiert des références pour limiter le travail du sol inter-rangs au profit des couverts végétaux et maximiser les services écosystémiques rendus. La gestion des couverts végétaux semés (engrais verts…) et naturels occupe une place centrale dans ce projet.
Le dispositif expérimental et les indicateurs suivis
Les travaux sont menés sur un réseau de quinze parcelles sélectionnées pour la représentativité des différents types de sols et terroirs bordelais. Ce réseau permet d’appréhender la gestion des couverts végétaux dans des contextes pédoclimatiques variés avec des contraintes et des objectifs technico-économiques différents.
Depuis 2024, le projet VERTIGO est basé sur deux dispositifs expérimentaux différents. Le premier dispositif correspond à la séparation de la parcelle en deux modalités :
- Une modalité “témoin » qui correspond à l’itinéraire classique de gestion des sols du viticulteur,
- Une modalité « pratique alternative » qui correspond à un itinéraire de gestion des sols avec un couvert végétal semé en inter-rang sur deux ou tous les inter-rangs.
Le second dispositif vise à tester des modes de gestion différents d’un couvert végétal semé un inter-rang sur deux et sur l’ensemble de la parcelle. Trois paramètres sont testés sur trois parcelles différentes :
- un mode de destruction différents sur les deux moitiés de la parcelle
- une date de destruction différente sur les deux moitiés de la parcelle
- une densité de semis différentes sur les deux moitiés de la parcelle
L’ensemble des parcelles bénéficient de suivis globaux concernant :
- la vigne : suivi de la phénologie (débourrement, floraison, véraison), mesures du taux de débourrement, de la fertilité et de la vigueur, estimations de rendements et analyses de baies
- le couvert végétal semé : estimations de la biomasse produite et des restitutions en éléments minéraux grâce à la méthode MERCI
Par ailleurs, depuis 2024, certaines parcelles bénéficient de suivis d’indicateurs supplémentaires permettant d’évaluer plus finement l’impact des couverts végétaux sur le régime hydrique et la nutrition azotée de la vigne, sur la qualité biologique du sol et sur la sensibilité de la vigne au gel.
Impact des couverts semés sur les performances viticoles
Les suivis de la vigne entre 2017 et 2023 ne montrent pas de diminution du poids de vendange à l’échelle du réseau de parcelles sur la modalité semée. Cependant, on constate une diminution moyenne de 7% du nombre de grappes sur la modalité avec un couvert semé comparativement à la modalité témoin. Néanmoins, des différences marquées apparaissent selon le type de sol. Ainsi, on constate des rendements significativement inférieurs sur la modalité semée des parcelles sableuses, alors que les parcelles argileuses présentent des rendements significativement supérieurs sur la modalité semée. Cependant, ces résultats sont à nuancer car beaucoup de parcelles possédaient initialement des hétérogénéités de rendements.
Les analyses de baies ne permettent pas de mettre en évidence un quelconque impact du couvert semé sur la qualité des baies, bien que certaines parcelles présentent sur certains millésimes des teneurs en azote assimilable supérieures sur la modalité semée.
Les pesées de bois de taille montrent une vigueur inférieure sur la modalité semée de quelques parcelles sableuses, mais elles ne mettent pas en évidence un impact négatif du semis à l’échelle du réseau de parcelles. Ainsi, la présence d’un couvert semé n’engendre pas davantage de contrainte pour la vigueur comparée à la présence d’un enherbement naturel un inter-rang sur deux ou sur tous les inter-rangs (pratique largement mise en place dans le vignoble bordelais).
Les suivis de la pression fongique entre 2020 et 2023 ne mettent pas en évidence de différences entre la modalité semée et la modalité témoin à l’échelle du réseau de parcelles.
Les mesures du Delta13C des moûts montrent que les conditions climatiques du millésime ont un impact sur la contrainte hydrique lors de la fructification, indépendamment de la présence ou non d’un couvert hivernal semé. A partir de 2024, des suivis plus précis du stress hydrique engendré par les couverts semés permettront d’affiner leur gestion pour limiter au maximum la concurrence. Des dates et des modes de destruction seront notamment testés.
Enfin, les suivis d’indicateurs supplémentaires entre 2024 et 2026 auront pour objectif d’évaluer plus finement la concurrence hydro-minérale engendrée par un couvert semé et permettront d’affiner les modes de gestion pour limiter cette dernière.
Restitutions apportées par les couverts semés et gestion des adventices
Les estimations de biomasse sèche produite (méthode MERCI) par les couverts semés depuis 2017 montrent que le développement des couverts ne se fait pas de façon homogène sur l’ensemble des années. La préparation du sol avant semis et les conditions de semis (météo, réglage du matériel, date de semis) sont directement liés à cette hétérogénéité. Entre 2015 et 2024, la production moyenne de biomasse sèche aérienne grâce aux couverts semés varie de 1,10 t/ha de vignes à 2,11 t/ha de vignes.
La méthode MERCI permet aussi d’estimer les restitutions en éléments minéraux des couverts semés qui sont en moyenne de 20,8 kg/ha/an pour l’azote, 9 kg/ha/an pour le phosphore (P2O5) et 56 kg/ha/an pour le potassium (K2O). Ainsi, lorsque l’on tient compte des restitutions moyennes des bois de taille, les besoins moyens de la vignes sont couverts pour un objectif de rendement compris entre 40 et 60 hL/ha.
Enfin, les suivis de la flore adventice sur l’ensemble des parcelles du réseau montrent qu’en moyenne les adventices vivaces couvrent moins le sol de la modalité semée en hiver comparativement à un inter-rang travaillé ou laissé enherbé. Or, certaines espèces vivaces peuvent être davantage gourmandes en ressources hydriques et minérales. En été, les adventices, qu’elles soient vivaces ou annuelles, sont significativement moins présentes dans les inter-rangs semés. Ces résultats appuient l’idée que les couverts semés apportent des services de régulation de la flore adventice, tout en fournissant des éléments minéraux mobilisables par la vigne.

Comment choisir la pratique adaptée ?
Des outils ont été développés pour faciliter la compréhension des sols et ainsi mieux gérer leur fertilité pour améliorer l’alimentation hydrominérale des parcelles viticoles. L’utilisation de l’ensemble des outils DECISOL permet un diagnostic complet de la parcelle et oriente vers des préconisations adaptées.

Les retours du terrain
Témoignage
Matthieu Audubert,“Quand j’ai arrêté de désherber, j’ai constaté une baisse des rendements. Mais nous nous sommes donné du temps et avons réussi à trouver des combinaisons de pratiques de gestion des sols plus adaptées à mes terroirs. Elles nous ont permis de compenser les pertes liées au développement des enherbements naturels. Aujourd’hui sur la parcelle d’essai avec la Chambre d’Agriculture, nous combinons un inter-rang naturel avec un semis d’engrais verts un inter-rang sur deux, qui limite la concurrence hydrominérale et rapporte d’importantes quantités de matières organiques. Cet ensemble de pratiques permet de faire les rendements et de limiter mes opérations culturales et coûts associés. Ce n’est pas une recette ”passe partout” il faut adapter chaque itinéraire à la nature des sols et à la flore présente.”
Viticulteur sur le Vignobles Mallet-Audubert – 43 ha dans l’Entre-Deux-Mers.
Les partenaires







Les financeurs


