La prophylaxie d’hiver est-elle une méthode efficace de lutte physique contre le mildiou ?
Perte de rendement, de qualité, diminution du nombre de solutions dans les itinéraires techniques. Quelles techniques de lutte physique peuvent-être envisagées pour lutter contre le mildiou de la vigne (Plasmopara viticola) ?
La réponse se trouve peut-être dans les vergers de pommes où une méthode prophylactique contre la tavelure de la pomme (Venturia inaequalis) a fait ses preuves. Juste à la fin de leur chute, les feuilles sont endainées puis ramassées et compostées ou broyées et enfouies dans le but d’accélérer leur dégradation et la destruction de l’inoculum de tavelure. La technique apporte satisfaction aux arboriculteurs.
Une adaptation de la technique vers la vigne est en cours d’étude pour lutter contre les différents pathogènes (mildiou, oïdium, black-rot). Dans un premier temps, la technique doit passer l’étape de la preuve de concept. Elle validera, entre autres, la méthode de destruction de l’inoculum de mildiou par le processus de compostage.
La sénescence des feuilles lance le début des hostilités. Les ceps de l’essai sont pré-taillés et défoliés et l’intégralité des feuilles au sol sont également collectées. La méthode expérimentale est pour l’heure réalisée manuellement. Un travail est aussi en cours pour essayer d’automatiser cette étape. L’impact de la défoliation précoce peut induire une baisse de la mise en réserve. Des analyses précises du développement des ceps en comparant les dates d’apparition des différents stades phénologiques sur la parcelle témoin et sur la parcelle en méthode prophylaxique feront la lumière sur l’influence réelle de cette pratique.
Le mildiou de la vigne est un ennemi tenace. Il peut persister dans le sol sous forme d’oospores (appelés œufs d’hiver) plus de 5 ans, en attendant des conditions propices à son développement. Son enfouissement est dès lors une idée vaine. Mais le détruire par compostage est envisageable. Toutefois, cela implique de sortir les feuilles et rameaux du vignoble pour procéder au compostage. Pour éviter une perte de matière organique sur la parcelle, il faut envisager sa restitution une fois le processus de dégradation terminé. Pour les pathogènes cette étape doit être un aller simple.
C’est pourquoi le projet PROFIL va étudier la possibilité de destruction qu’offre le compostage. Cet aspect est analysé en laboratoire et en conditions réelles. Les conditions contrôlées en laboratoire permettront d’établir les paramètres théoriques nécessaires à la destruction des œufs de mildiou (température, humidité et durée d’exposition). L’essai via un tas de compost va permettre de valider l’intérêt technique de la pratique, les conditions n’étant plus totalement contrôlées. Certains paramètres peuvent ne pas être présents sans que cela n’empêche d’arriver au but visé. Des phénomènes biologiques et/ou chimiques pouvant se substituer à un ou plusieurs paramètres étudiés en laboratoire. Une fois validée, la matière organique pourra faire son retour dans son milieu d’origine et être profitable à la vigne.
Eradiquer le mildiou du sol ne se fera pas d’un claquement de doigts au vu de la durée de conservation des oospores. Plusieurs années seront nécessaires à cela !
Pour aller plus loin, lire la présentation de la méthode à l’origine du projet
Les UV, nouvelle arme contre le mildiou ?
La lumière au bout du tunnel ? Une nouvelle technologie commence à faire parler d’elle dans le monde la protection du vignoble : l’application d’UV-C. Elle se pose en complément d’une stratégie classique avec pour ambition une réduction des intrants phytosanitaires. L’évolution des pratiques vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la santé (Plan Ecophyto – Réduction de 50 % de l’IFT attendu) ouvre la porte à ce type d’initiative.
Les essais mis en place dans 5 régions et sur plusieurs cépages ont permis d’obtenir jusqu’à 30 à 60 % de réduction de fongicides. En 2020 sur le vignoble bordelais, les essais ont étaient suivis en partie par la Chambre d’agriculture.
La méthode fait appel aux UV-C. Cette catégorie d’UV est complètement bloquée par l’atmosphère, contrairement aux UV-A et B. Les UV-C sont également utilisés dans les dispositifs de stérilisation. La méthode mise en œuvre par la société UV Boosting via son outil Helios® consiste à bombarder la vigne de flashs d’UV-C au cours de la saison. Le stress abiotique généré par la répétition des applications d’UV-C provoquent une stimulation de la plante. Un enchaînement de réactions métabolique se met en place et la plante produit de nombreux métabolites qui permettent l’activation des défenses de la vigne. Le but étant d’obtenir une réponse plus rapide de la plante face à une véritable agression.
Autres atouts non négligeable, le procédé étant un moyen physique, il peut se targuer de nombreux avantages réglementaires : absence de Zones de Non-Traitement (ZNT), pas de Délais de Ré-Entrée (DRE), pas de Délais Avant Récolte (DAR) et ne rentre pas dans le calcul de l’IFT (Indice de Fréquence de Traitement).
Cette technologie est encore jeune et la société UV Boosting poursuit le développement de l’outil et des stratégies en collaboration avec leur partenaires techniques ainsi que les domaines viticoles ayant pariés sur ce cette méthode de lutte originale.
Pour aller plus loin, lire l’article de Vitisphère : Les UV font leur preuve contre le mildiou
Viti-Tunnel : couvrir la vigne pour la protéger des maladies et des accidents climatiques
Depuis 2019, l’IFV suit le projet d’abri automatique de la vigne avec un dispositif prototype mis au point par la société MO.DEL. Les résultats obtenus sur trois millésimes en Gironde sont très encourageants, l’outil permet de protéger efficacement la vigne contre le mildiou sans aucun traitement phytosanitaire contre ce parasite.
L’idée du Viti-Tunnel est de protéger les organes végétatifs (feuilles et grappes) de l’exposition à l’eau de pluie, vectrice des contaminations des maladies pluvio-dépendantes comme le mildiou et le black-rot. C’est une protection physique et un moyen prophylactique.
Un réseau d’une dizaine de propriétés girondines qui accueillent un prototype Viti-Tunnel est suivi sur toute la saison pour mesurer le développement des maladies, la physiologie de la vigne et la qualité de la vendange (micro-vinifications) sous le dispositif en comparaison avec les pratiques classiques du viticulteur.
Un dispositif est présent au niveau du Vinopôle : un Viti-Tunnel est installé au Château Dillon, propriété du Lycée Viticole de Blanquefort. Il permet de participer à l’expérimentation et il est une vitrine pédagogique pour les élèves en formation (BTS). Les résultats en 2021 ont été très concluants non seulement sur la protection contre le mildiou sans aucun traitement mais aussi grâce à la protection conférée par le dispositif lors du gel des 7 et 8 avril 2021 : la totalité des ceps a été protégée (contre 80% des ceps touchés sur la parcelle).
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