Démarches innovantes de réduction des intrants phytosanitaires : retour sur les débuts de plan Ecophyto 2018
Pour limiter la quantité d’intrants phytosanitaires utilisés en viticulture, des outils d’aide à la décision ont été mis au point afin d’adapter les produits, les doses et les stratégies de traitements. D’abord testés à l’échelle parcellaire, les premiers résultats ont montré que ces outils permettaient de réduire les intrants sans pour autant générer des pertes importantes de récolte ou diminuer la qualité de la récolte. Ces démarches ont ensuite été testées de 2011 à 2013 à l’échelle d’îlots, sur des exploitations pilotes de la Gironde, dans le but de pouvoir répondre à un des objectifs majeurs du plan Ecophyto 2018 : réduire de 50 % les intrants phytosanitaires.
Réduire l’IFT de 50% : les enseignements du programme Ecoviti
Peut-on réduire l’IFT du système de culture viticole en conservant un rendement et une qualité acceptable sans pour autant augmenter les coûts de production ou désorganiser le travail ? Oui ! C’est ce que les essais du programme Ecoviti Aquitaine ont montré. Tout y a été travaillé : de l’efficacité du positionnement des traitements à l’étude des performances d’une variété résistante en passant par une gestion extensive des sols et l’emploi de méthodes alternatives comme le biocontrôle. Ces essais (comparaison de systèmes de référence viticulteurs à des systèmes à bas niveau d’intrants) menés sur 4 systèmes de cultures, 5 exploitations, 6 parcelles, 4 cépages et 5 modes de valorisation du vin (du Vin de France au Saint-Emilion Grand Cru en passant par l’AOP Bordeaux) nous ont montré :
- qu’il était possible de réduire l’IFT par rapport à la référence régionale en particulier pour les produits fongicides et herbicides
- que la réduction des fongicides se faisait via des notions d’efficience : règles de décision, observations, outils d’aide à la décision, modulation des doses
- que les herbicides peuvent être substitués par du travail du sol
- que la réduction du nombre de traitements entraînait une prise de risque pouvant impacter le rendement en année difficile
- que la qualité de la vendange était en général conservée
- que les vins issus de ces essais présentaient moins de résidus que les références des exploitants (aucun dépassement de LMR n’a été observé sur l’ensemble des vins)
- que les stratégies à bas niveau d’intrant nécessitent une petite réorganisation des activités et quelques connaissances en terme de détection des maladies et ravageurs
- que les coûts de production n’étaient pas augmentés pour ces systèmes
Quelques points d’attention sont aussi ressortis de l’étude. Ainsi, il reste nécessaire de faire 1 ou 2 applications de fongicides sur les variétés résistantes pour éviter le développement du black rot.
Les essais étaient menés sur des surfaces de 0,5 à 2 hectares rendant la prise de risque potentielle plus importante et le temps nécessaire de réaction moins long. Le passage à l’échelle de l’exploitation nécessitera donc une adaptation de certaines règles de décision.
Ce projet met en avant que des systèmes de culture plus économes en intrants peuvent être envisagés en viticulture. Les résultats permettent d’étudier tous les aspects de l’impact de ces systèmes de production.
La vigne sans CMR 2 : quelles possibilités ?
Aujourd’hui en France, il ne reste plus de produit homologué de type Cancérigène Mutagène ou toxique pour la Reproduction (CMR) avéré (couramment appelé CMR1). Restent sur le marché des produits à effets suspectés dont le caractère CMR n’a pas été prouvé (dits CMR2). De plus en plus de démarches individuelles et collectives dans lesquelles les viticulteurs utilisent des programmes sans CMR 2 voient le jour et la crainte de perte de solutions se fait sentir. Pourtant des millésimes comme 2018, 2020 ou 2021 le rappellent : la protection de la vigne reste un point essentiel pour obtenir un raisin en quantité et qualité suffisantes. Cette protection fait obligatoirement appel à des pesticides qu’ils soient d’origine naturelle ou de synthèse. Ces produits peuvent appartenir à différentes classes, péjoratives comme les CMR 2 ou plus positives comme les produits utilisables en agriculture biologique ou les produits de biocontrôle.
Quel panel reste-t-il aux producteurs pour protéger leurs vignes tout en évitant les produits classés CMR 2 ?
Nous vous proposons une liste des produits non CMR 2 selon la valeur de leur ZNT aquatique. Nous avons aussi tracé pour chaque produit s’il est utilisable en agriculture biologique ou présent sur la liste des produits de biocontrôle. Enfin, à partir des phrases de risques présentes sur les étiquettes des produits, nous proposons une classification simple des possibles effets du produit sur la santé et l’environnement.
Ce travail est issu d’un groupe national des Chambres d’agricultures : Base de données des produits phytopharmaceutiques homologués en Vigne. Coordination du groupe national : François Berud et Rémi Vandamme (CA 84) et Séverine Dupin (CA33).
Face au Botrytis : quelles stratégies ?
La pourriture grise pathogène saprophyte se fait remarquer principalement durant la phase de maturation et peut occasionner d’importants dégâts autant sur le plan qualitatif que quantitatif. De nombreuses techniques permettent de lutter contre le botrytis (Botrytis cinerea) allant des techniques culturales prophylactiques, au biocontrôle en passant par la classique lutte chimique et la limitation des blessures occasionnant des portes d’entrées. Où en sont nos connaissances sur les stratégies de lutte contre ce champignon ?
Quelles stratégies contre la pourriture grise de la vigne ?
Le raisonnement de la lutte contre la pourriture grise (Botrytis cinerea) ne se fait pas de façon similaire d’une parcelle à l’autre. La sensibilité, la vigueur du matériel végétal, le climat, la gestion des vers de grappes sont les clés de ce raisonnement. Les derniers millésimes ont vu la prédominance de 3 stratégies phytosanitaires différentes pour lutter contre le Botrytis, que nous avons comparées. Ces itinéraires techniques répondent de manières différentes aux volontés économiques, sociétales et environnementales.
- Aucun traitement phytosanitaire n’est réalisé. Cette stratégie repose uniquement sur la mise en place de mesures prophylactiques. Elle vise à améliorer la circulation de l’air au sein de la zone fructifère. Ces techniques prophylactiques sont à réfléchir dès la taille, voire même dès la plantation. Dans cette stratégie, le choix du matériel végétal est primordial. La maîtrise de la vigueur végétative est un levier essentiel dans les situations à risques.
- Un traitement phytosanitaire à la chute des capuchons floraux (Stade A) ou à la fermeture de grappe (Stade B) avec ou sans mesures prophylactiques.
- Deux traitements phytosanitaires au stade A et C (véraison) ou B selon la climatologie. Cette pratique est souvent associée à des mesures prophylactiques complémentaires. Excellente efficacité mais cela a un coût.
Ces stratégies ne sont pas figées et sont vouées à évoluer avec notamment le déploiement progressif des produits de biocontrôle.
Quelle efficacité des traitements anti-botrytis avec ou sans prophylaxie ?
Sur les essais du réseau où le botrytis était présent, on peut retenir qu’un effeuillage seul présente une efficacité équivalente à un traitement réalisé à la pleine dose sur une parcelle non effeuillée. Les traitements réalisés à dose réduite (66% de la dose homologuée) apportent une efficacité certaine par rapport au témoin non traité mais celle-ci est inférieure à celle apportée par la pleine dose homologuée. Cela est probablement dû au fait que même lorsqu’on se place dans les meilleures conditions (effeuillage et application de la pleine dose homologuée), l’efficacité obtenue n’est que partielle. En l’absence de marge de sécurité, toute dégradation de la protection (baisse de la dose et/ou absence d’effeuillage) se traduit par une diminution sensible de l’efficacité lorsque les conditions sont favorables au développement du champignon.