Le changement climatique et ses conséquences sur la vigne et le vin
Le changement climatique et son origine anthropique sont aujourd’hui incontestables. Ce dernier se manifeste par une augmentation des températures, une perturbation régionale et saisonnière du régime des précipitations ainsi qu’une plus forte occurrence d’évènements climatiques extrêmes. Le Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), sur la base de scénarios d’émission de gaz à effet de serre, a défini cinq scénarios climatiques planétaires prédisant une augmentation de la température moyenne de 1,4 °C à 4,4°C sur la fin du XXIème siècle.
Au cours du XXè siècle, l’impact du changement climatique a plutôt été vu comme une évolution positive pour le vignoble aquitain en facilitant la maturation du raisin. Aujourd’hui, les modes de consommations évoluent, les expérimentations visent aujourd’hui à retarder la maturité, à produire des vins moins alcoolisés et équilibrés en acides et tanins ainsi qu’à maintenir le potentiel de rendement.
Cette augmentation a des conséquences déjà bien visibles sur la culture de la vigne et la production de vin. La première et peut être la plus flagrante est le décalage des cycles végétatifs et reproducteurs de la vigne vers des périodes plus précoces. Ce décalage entraine principalement deux conséquences négatives majeures :
- une plus forte sensibilité lors d’épisodes de gelées dus à un débourrement plus tôt dans la saison,
- une maturation des raisins à une période de forte chaleur ce qui peut entrainer un déséquilibre entre sucre et acidité des jus et affecter le potentiel aromatique des vins.
L’augmentation de l’intensité des sécheresses est également une conséquence importante du changement climatique. Ces périodes de sécheresse ainsi que les vagues de températures caniculaires peuvent affecter grandement le rendement.
Les leviers d’adaptation au changement climatique
Différents leviers, mobilisables à plus ou moins long terme, ont été identifiés pour adapter la vigne et la production de vin à ce changement climatique. Ces derniers font et feront l’objet d’expérimentations par le Vinopôle afin d’être éprouvés.
Ces leviers d’adaptation sont nombreux et peuvent se catégoriser en trois grandes classes :
- Les leviers impliquant une modification des méthodes de culture
- Les leviers portant sur le choix du matériel végétal
- Les leviers regroupant les techniques mobilisables au chai, correspondant plus à une correction des impacts du changement climatique sur la matière première qu’à une adaptation de la plante à ce changement
Les leviers impliquant une modification des méthodes de culture
L’adaptation des systèmes de culture, en privilégiant par exemple des densités de plantation plus faibles, est une des solutions envisageables. Elle permet de limiter l’ETP par surface cultivée et ainsi tendre à diminuer l’intensité et la durée des épisodes de sécheresse. La taille est également un levier particulièrement intéressant, soit en relevant la hauteur de la baguette fructifère pour limiter l’effet réchauffant du sol et ainsi favoriser un microclimat permettant une maturation plus lente des grappes ou soit en privilégiant d’autres architectures de la vigne, largement répandues dans les vignobles méridionaux. La dégradation du rapport feuille/fruit, par rognage ou effeuillage drastique, peut également être un levier pour ralentir la véraison puis la maturation des baies. La réserve utile des sols est un point clé largement dépendant de sa nature, cependant l’utilisation de couverts végétaux ou de méthodes de paillage peut participer à structurer le sol et ainsi favoriser l’infiltration des eaux de pluies. Enfin certaines biosolutions peuvent s’avérer intéressantes pour limiter l’ETP ou l’effet du rayonnement sur la végétation. Ces leviers seront mis en place sur le vignoble expérimental mis en place à Blanquefort.
Les leviers impliquant le choix du matériel végétal
Le choix du matériel végétal est vraisemblablement le levier prépondérant pour lutter contre les effets du changement climatique. La sélection faite sur la fin du XXème siècle s’est portée sur des clones précoces avec une forte capacité à accumuler le sucre. Aujourd’hui ces caractéristiques ne sont plus adaptées aux conditions climatiques que nous rencontrons. Il est donc nécessaire de reprendre les travaux permettant de caractériser la diversité génétique à l’intérieur même des cépages afin d’identifier les clones les plus tardifs et présentant une moindre capacité à accumuler le sucre. Ce type de travaux est en cours de réalisation sur les différents conservatoires de la région. Ce levier présente l’avantage de ne pas avoir à faire de modification des cahiers des charges des différentes appellations. Le choix des porte-greffes est également central, en effet certains d’entre eux possèdent la capacité d’allonger le cycle végétatif du greffon et donc de décaler les étapes de floraison et véraison vers des périodes plus propices. Enfin, certains d’entre eux présentent des résistances à la sécheresse bien plus importantes que les porte-greffes habituellement utilisés dans notre bassin. Une étude de plusieurs porte-greffes va bientôt être mis en place dans le cadre du vignoble expérimental que nous construisons avec tous nos partenaires. Le dernier levier mobilisable est l’emploi de cépages utilisés dans des régions plus chaudes ou la réutilisation de variétés abandonnées par le passé en raison de leur caractère tardif. Le choix de ces cépages devra se faire de manière à garder la typicité des vins de notre région. Ce levier fait d’ores et déjà partie d’un projet collaboratif avec plusieurs Organismes de Défense et de Gestion (ODG) du vignoble de Bordeaux.
La correction de l’impact du changement climatique au chai
Pour finir un certain nombre de leviers sont mobilisables directement au chai et permettent de diminuer la teneur en alcool des vins et corriger le niveau d’acidité. Ces techniques font intervenir des levures acidifiantes ou à bas rendement d’alcool ainsi que des méthodes physiques (désalcoolisation ou désucrage).
Un réseau participatif pour des vins de Bordeaux durables
Au-delà des expérimentations dont les résultats seront disponibles dans quelques années, nous accompagnons, dans le cadre du projet PEI DELEDUR mené de septembre 2022 à septembre 2023, un groupe de viticulteurs dans l’identification de leviers à tester pour s’adapter dès maintenant. Ce groupe opérationnel a, dans sa phase d’émergence, hiérarchisé les leviers à évaluer. Par la suite, dans une phase de maturation, des expérimentations en réseau menées par les viticulteurs permettront de valider leur intérêt.